Ce mercredi 12 juillet sort en salle le premier long métrage de Maryam Goormaghtigh, Avant la fin de l’été (2017). Présentée en ouverture de la sélection de l’ACID au dernier festival de Cannes, cette comédie documentaire aux allures de road-movie suit sur les routes de France trois jeunes iraniens durant la fin du séjour de l’un d’entre eux, Arash, décidé à rentrer en Iran après 5 ans d’études à Paris. Sa décision est due à sa difficulté à nouer de véritables rapports avec la France et les Français. Hossein et Ashkan, ses compatriotes et amis, réussissent à le convaincre d’une dernière virée en voiture à travers l’hexagone en espérant lui faire changer d’avis. Nous entrons ainsi dans le récit à la manière d’une fiction. Si Arash occupe le centre du film, la réalisatrice déplace peu à peu son regard pour nous présenter un portrait de groupe complexe où résonnent le passé et le présent, le souvenir de l’Iran et la découverte de la vie estivale française.
Sur la route, le décalage entre la langue persane et les paysages français crée un sentiment troublant : le désert français si verdoyant contraste avec le désert iranien. Des images d’Iran viennent soudain se mêler à celles de la campagne française, comme des souvenirs. Ce Sud de la France rappelle plutôt le Nord de l’Iran à la végétation abondante. C’est au contact des différentes rencontres qu’Hossein et Ashkan parleront français. Arash se tiendra souvent à l’écart. En menant la vie de campeurs et de vacanciers, le trio n’en reste pas moins iranien dans ses discussions. À l’image de sa réalisatrice née en Suisse, franco-belge par son père et iranienne par sa mère, le film porte un regard familier et insolite sur la France comme sur ce groupe d’amis.
Cette France du Sud peut nous rappeler celle filmée par Varda, Depardon mais aussi Pagnol quand Ashkan près d’un fontaine cherche à séduire une serveuse. Ce qui frappe, c’est la propension des trois jeunes gens à vouloir analyser leurs sentiments. Pourquoi Hossein se sent plus proche de son image en France tout en étant plus heureux en Iran ? Pourquoi Ashkan ne rencontre que des femmes fumeuses alors qu’il est non-fumeur et que des femmes non-fumeuses quand il était fumeur ? C’est la Loi de Murphy ! lui répond Arash qui semble en avoir fait l’expérience. Leur rencontre avec deux filles musiciennes, Michèle et Charlotte, ouvre de nouvelles brèches dans la fiction qui prend alors des airs de « Conte d’Été » rohmérien. Le trio enseignera aux jeunes filles les subtilités du persan et les différentes manières de porter le voile, selon l’âge et la tendance du moment. La fête foraine, la baignade, la sortie en boîte créeront de nouveaux liens mais qui resteront passagers.
La réalisatrice invoque comme références Le Plein de Super (1976) d’Alain Cavaliers et Des Jours et des Nuits dans la forêt (1970) de Satyajit Ray. Une autre dimension apparaît dans le film : Avant la fin de l’été est traversé par l’onirisme à travers une musique électronique qui prend le pas sur la contrebasse que l’on entendait jusque-là. À la manière des vacances, le temps se dilate et des éléments nouveaux s’immiscent : la mélancolie, le souvenir, le doute, un temps passé qui reviendra peut-être. Hossein, qui a épousé une Française, est rattrapé par le service militaire qu’il n’a pas effectué en Iran contrairement à Ashkan dont la maladresse lui a valu la perte d’estime d’une des jeunes filles. Arash regarde la lune comme il le faisait enfant à Téhéran quand il devait quitter ses amis. Si le séjour n’a pas modifié son désir de retourner en Iran, on ne sait pas non plus ce que sera l’avenir d’Hossein et d’Ashkan. La blancheur de l’horizon et le train qui file évoquent leur doute. Au début du film, lors de la première nuit de camping, une étoile filante passait dans le ciel, on ignore si les trois amis l’ont vue et si l’un d’entre eux a fait un voeu. Une chose est sûre, la réalisatrice a vu cette étoile. À la fois présente et effacée, elle est le témoin de cette amitié et la quatrième personne, attentive et vigilante, du groupe. Celle qui a capté ces moments d’interrogation, de bonheur et d’amitié, « avant la fin de l’été ».