Le mercredi 15 novembre ressort en salle, en copie restaurée et avec de nouveaux sous-titres, Le Coureur d’Amir Naderi. L’un des films les plus importants du cinéma iranien contemporain. En effet, Montgolfière d’or au festival des 3 Continents de Nantes en 1985, Le Coureur est le premier film d’après la Révolution de 79 à remporter une récompense dans un festival international, ouvrant la voie à la reconnaissance d’autres réalisateurs iraniens comme Bahram Beyzaï ou Abbas Kiarostami.
S’il a été tourné durant la guerre Iran-Iran (1980-1988), le film ne fait cependant pas référence au conflit mais renvoie à l’enfance du réalisateur. En effet, Le Coureur poursuit dans l’oeuvre de Naderi le cycle « Amiro » ouvert avec L’Harmonica (1973) et L’Attente (1974) et qui continuera avec L’Eau, le Vent, la Terre (1987), dernier film tourné par Naderi en Iran. Avec ce film, produit par le Kanoun, le réalisateur revient sur ses premières années à Abadan, près du Golfe Persique où se trouvait une forte présence américaine. Les rêves d’évasion du jeune garçon, orphelin, attiré par les bateaux, les trains ou les avions, se heurtent à son analphabétisme qui l’oblige à faire des petits boulots (ramasseur de bouteilles vides, porteur d’eau, cireur de chaussures). Le reste du temps, il pratique la course à pied ou à vélo. L’endurance dont il fait preuve nourrit sa volonté d’apprendre à lire et à écrire pour réaliser ses rêves.
Évoquant le néoréalisme italien mais aussi la littérature et le cinéma américains (la musique de jazz jouée à la radio, les riches maisons des étrangers américains ou la vie d’orphelin d’Amiro peuvent rappeler par moments l’univers de Mark Twain et de son héros Hukleberry Finn). Dans le rôle d’Amiro, Majid Niroumand, que l’on retrouvera avec la même intensité deux ans plus tard dans L’Eau, le Vent, la Terre, est inoubliable. Courir ou s’instruire demandent la même discipline semble nous dire le réalisateur qui ne sépare pas l’école du bord de mer, le tableau noir du chemin de fer ou l’alphabet de la piste d’aviation.
32 ans après sa réalisation, Le Coureur impressionne toujours par la beauté de ses images qui font littéralement éclater les couleurs à travers les quatre éléments : l’eau, le feu, la terre, l’air. Le film fut tourné dans 11 sites différents pour reconstituer la ville d’Abadan d’avant la guerre. Traversée par l’apprentissage de l’alphabet, cette oeuvre maîtresse a joué le rôle d’un retour aux sources dans le cinéma iranien, un nouveau départ qui en même temps renoue avec une période antérieure. – Un film essentiel que cette copie restaurée permet de redécouvrir dans toute sa splendeur.
Iran ciné panorama est heureux d’être partenaire de la ressortie du film, en attendant la rétrospective intégrale que le Centre Pompidou consacrera à Amir Naderi du 5 avril au 18 juin 2018. Un événement qui sera accompagnée d’un panorama du cinéma moderne en Iran à travers 30 films tournés de 1962 à 1992.