1985, Banehn (Kurdistan iranien)
Réalisateur, scénariste, producteur
Cinéaste iranien indépendant d’origine kurde, Keywan Karimi est certainement l’un des réalisateurs les plus originaux de sa génération. Diplômé en communication de la Faculté des sciences sociales de Téhéran, il est l’auteur de plusieurs courts et moyens métrages documentaires qui se distinguent par un travail sur la forme autant que sur le fond parmi lesquels Writing on the City (2015) qui s’intéresse à l’Histoire de l’Iran de 1979 à 2009 à travers ses graffiti et fresques murales. Alternant une voix féminine et masculine, le film suit le fil historique du pays pendant 30 ans (révolution, guerre, exode rural, transformations sociales, manifestations). Il s’agit moins d’un pamphlet que d’un regard critique mené par les moyens du cinéma : montages d’archives (photographiques, cinématographiques, télévisuelles…), ralentis, arrêts sur image, chansons et musiques permettent d’interroger le présent et le passé. Le paradoxe que soulève le film est celui d’un art contestataire devenu un art officiel et retrouvant à certains moments sa dimension première. Avec ce film qui s’intéresse aussi à la pratique clandestine des graffiti à Téhéran, l’auteur porte un regard sur l’expression publique des images et des mots dans la cité.
Pour ce film, Keywan Karimi fut accusé de « propagande contre le fonctionnement du régime gouvernemental » et condamné en octobre 2015 à une peine de 6 ans de prison et 223 coups de fouet. La peine fut ramenée en février 2016 à un an de prison et à une amande de 20 millions de rials (600 euros) avec le maintien des coups de fouet. Arrêté en novembre 2016, le cinéaste fut libéré après 5 mois de détention sans avoir subi des coups de fouet.
Durant le temps de l’appel, Keywan Karimi tourna son premier long métrage de fiction Drum (2016), produit par François d’Artemare et sélectionné au festival de Venise en 2016. Ce film fait suite à un premier court métrage de fiction L’Aventure d’un couple marié (2013) d’après une nouvelle d’Italo Calvino. Les deux oeuvres réalisées en noir et blanc témoignent d’une grande maîtrise formelle. Polar situé au moment de l’élection de 2009, Drum, inspiré d’un roman d’Ali-Morad Fadaei-Nia, fascine pas son rythme et ses allusions à l’histoire ancienne et récente de l’Iran mais aussi par ses nombreuses références cinématographiques. Le film charrie, en effet, toute une mémoire du film noir de l’Expressionnisme allemand – on pense au Testament du docteur Mabuse (1932) de Fritz Lang, au cinéma hollywoodien : il y est question d’une enquête, d’un détective privé et d’un paquet mystérieux comme dans En quatrième vitesse (1955) de Robert Aldrich. Métamorphosé en ville post-apocalyptique, Téhéran est le théâtre d’une histoire à la fois passée, présente et future. Le réalisateur parvient, en effet, à superposer plusieurs temps comme pour raconter une histoire et des relations humaines jamais résolues en Iran. Cette prise en charge personnelle de la mémoire historique, artistique et cinématographique iranienne fait de Keywan Karimi un cinéaste original et précieux parmi les jeunes auteurs iraniens contemporains.
FILMOGRAPHIE :
Fictions :
2016 : Drum
2013 : L’Aventure d’un couple marié
Documentaires :
2015 : Writing on the City
2014 : Rashid
2012 : Broken Border
2011 : Act
2011 : The Color of Olive
2009 : The Children Depth
2008 : Man and Puckett
2007 : Anti Earthquake Conex