Du 29 au 7 février 2010, dans le cadre de la deuxième édition du festival « Un état du monde… et du cinéma », le Forum des images proposait un Focus sur l’Iran avec la projection de quatre films. À cette occasion et en prévision de la rencontre-débat du samedi 6 février après la projection de Green Days d’Hana Makhmalbaf, le texte suivant était paru sur le site de Rue 89.
Après une année 2009 particulière pour l’Iran, entre les 30 ans de la Révolution islamique et l’élection présidentielle du 12 juin dont le résultat fut massivement disputé dans la rue, le cinéma permet de comprendre un mouvement de contestation sans précédent.
Soit un mouvement pacifique qui désire un changement légal de la situation en Iran, un mouvement non pas contre l’islam mais contre l’islam politique. C’est aussi un mouvement qui s’exprime par le Net et les nouvelles technologies.
Les films montrés au Forum des images de Paris, au cours d’un Focus sur l’Iran dans le cadre du festival Un état du monde… et du cinéma, portent tous la trace de ces caractéristiques. Comme beaucoup d’autres longs métrages iraniens de l’année 2009, ils témoignent d’une transformation non seulement du pays mais aussi de sa diaspora.
Ainsi, le documentaire Bassidji de Mehran Tamadon prend pour sujet la milice islamique créée par Khomeyni au lendemain de la Révolution. Le cinéaste ne revient pas sur le passé mais cherche à interroger le présent.
Se battre pour l’islam ou pour l’Iran ?
Des failles apparaissent dans l’idéologie des bassidji. Ainsi un dialogue met en présence deux vétérans de la guerre Iran-Irak lors d’un pèlerinage à Kerbala en Irak. Le premier estime que la jeunesse actuelle ne se battrait plus contre l’ennemi. Ce que conteste son interlocuteur qui pense qu’elle le ferait, peut-être pas pour l’islam mais pour l’Iran.
À la fin du film, Mehran Tamadon avoue qu’il n’est pas croyant. Loin de s’en offusquer, son interlocuteur bassidj relativise cet aveu et en plaisante avec lui en tant qu’Iranien. Interview de Mehran Tamadon cinéaste de Bassidji.(Voir la vidéo)
Green Days, d’Hana Makhmalbaf est sans doute le film le plus marqué par les événements de juin. Le tournage fut entrepris au moment des élections présidentielles et le montage a été terminé durant l’été avec le choc des premières images du Net. Leur inscription dans le film est parfois maladroite, mais ce défaut ne saurait diminuer la qualité principale du film, document précieux sur la campagne présidentielle.
Green Days donne la parole à tous les camps de la présidentielle iranienne
Hana Makhmalbaf, donne la parole aussi bien aux partisans de Mir Hossein Moussavi qu’à ceux d’Ahmadinejad ou aux abstentionnistes. C’est une vraie plongée au cœur de Téhéran comme aucune vidéo ne saurait le montrer.(Voir la bande-annonce)
L’avant-première de Green Days à la Mostra de Venise. (Voir la vidéo)
Suivant les traces du film de genre, Téhéran, de Nader T. Homayoun, aborde plusieurs sujets tabous de la société iranienne comme la place des mafias dans l’économie ainsi que la prostitution, le trafic de drogue et d’enfants qui en découlent. On a beaucoup reproché au cinéma iranien de ne pas traiter de ces sujets.
Téhéran traite de thèmes peu courants dans le cinéma iranien
Téhéran y parvient sans misérabilisme et en soignant la forme qui évoque parfois le cinéma hongkongais ou américain mais en plaçant très souvent dans le plan les couleurs du drapeau iranien. Le film a reçu le prix de la Semaine de la critique à la Mostra de Venise. (voir la vidéo)
C’est également à un sujet tabou, celui du sida, que s’en prend My Tehran for sale de Granaz Moussavi à travers un portrait de femme moderne à Téhéran. Le film est placé sous la tutelle de Forough Farrokhzad. Pour son unique film : La Maison est noire (1962), la poétesse prenait pour sujet la lèpre, le film de Granaz Moussavi aborde le sida avec la même force et la même pudeur. (Voir la vidéo)
Tous ces films montrent l’état d’une société en transformation capable de regarder en face son passé et son présent pour s’inventer un avenir. C’est cette maturité dont témoigne le Mouvement vert.
Si celui-ci aboutit, c’est le regard sur l’Islam qui changera à travers le monde. L’islam cessera d’être considéré comme une menace et apparaîtra comme un fait culturel. La situation au Moyen Orient changera alors en sortant de l’impasse des conflits religieux pour penser autrement les relations entre les différentes communautés mais aussi entre religieux et laïcs.
C’est la raison pour laquelle il est important de parler de l’Iran.
Bamchade Pourvali