Ce mercredi 14 septembre sort en salle le documentaire de Mitra Farahani, À vendredi, Robinson qui suit le dialogue à distance, sur plusieurs années, par lettres d’un côté, et messages vidéo de l’autre, entre l’écrivain, traducteur et réalisateur iranien Ebrahim Golestan et le cinéaste français passionné de littérature mais aussi de plus en plus tourné vers la peinture comme pratique retrouvée de l’adolescence, Jean-Luc Godard.
À la proposition d’une rencontre entre ces deux figures majeures, Godard suggère plutôt une correspondance hebdomadaire, chaque vendredi. Ce qui donne son titre au film. Ce n’est pas la première fois que le cinéaste dialogue avec un écrivain. Après Le Clézio en 1966, Philippe Sollers en 1984, Marguerite Duras en 1987, il poursuit ainsi une réflexion sur l’élaboration d’un langage fait d’images et de mots.
En effet, le rapport de Golestan au cinéma fut contemporain de celui de Godard. Tous deux commencent leur carrière par un court métrage documentaire en 1954, commande pour un consortium dans le cas de Golestan et reportage sur la construction du barrage de la Grande-Dixence pour Godard. L’un et l’autre contribuèrent à la reconnaissance de la notion d’auteur au cinéma dans les années 1960. Mais l’interdiction des Secrets du Trésor de la Vallée de Djin en 1974 conduit Golestan à quitter l’Iran pour s’installer en Angleterre et à abandonner le cinéma pour revenir à la littérature. Au même moment, Godard s’installe à Grenoble puis à Rolle en Suisse et renoue progressivement avec le cinéma commercial abandonné en 1968. C’est de ces deux lieux géographiques que le dialogue s’opère, chacun dans sa langue.
En effet, bien que polyglotte, Golestan écrit ses lettres en persan. Les feuillets sont transmis à Godard avec leur traduction. Le cinéaste se montre sensible à la calligraphie de son interlocuteur et cherche à retrouver l’équivalent du dessin des lettres tracés sur papier dans les images qu’il filme. De son côté, Golestan essaye de déchiffrer les messages de Godard en traducteur aguerri et note le caractère joueur à la fois sérieux et malicieux de son correspondant.
À travers ce double portrait, Mitra Farahani saisit deux itinéraires d’artiste et de chercheur. Plus qu’aucun autre, Godard aura continué à chercher tout au long de sa vie. Le fait qu’À Vendredi Robinson sorte le lendemain de sa disparition n’en fait pas pour autant une oeuvre testamentaire mais souligne la persévérance du parcours d’un auteur dont il faudra encore voir et revoir les films pour mesurer l’étendue, la beauté et l’originalité d’une pensée dont À Vendredi, Robinson livre quelques bribes sous forme d’éclats.