Ce mercredi 6 décembre sort en salle Fremont, le quatrième long métrage de Babak Jalali, cinéaste iranien vivant en Angleterre et auteur au style remarqué de Frontier Blues (2009), Radio Dreams (2016) et The Land (2018).
Reprenant de nombreux thèmes abordés dans ses films précédents (la question de la frontière, l’attention portée aux minorités, une galerie de personnages qui donne au film une forme chorale), Fremont parvient à se distinguer par la présence pour la première fois chez le cinéaste d’un personnage féminin au centre du récit. Outre la coécriture du scénario avec la réalisatrice et scénariste italienne Carolina Cavalli et la direction de la photographie confiée à la cheffe opératrice Laura Valladao, le film bénéficie de l’interprétation retenue et irradiante d’Anaita Wali Zada, ancienne journaliste afghane dans le parcours se rapproche du rôle qu’elle tient à l’écran.
Ouvrière à San Francisco dans une usine de « Fortune Cookies » (ces biscuits chinois porteurs de prédictions énigmatiques), Donya rentre chaque soir chez elle dans la ville de Fremont où se trouve la plus importante communauté afghane des États-Unis. Ancienne interprète dans l’armée américaine, elle a quitté l’Afghanistan, peu avant le retour des Talibans. Si le projet du film remonte à 2016, sa réalisation – retardée notamment par la pandémie de Covid-19 en 2020 – a coïncidé avec un changement de la situation en Afghanistan en 2021 donnant au film une autre résonance.
Le réalisateur dont l’un des premiers courts métrages, Haydar, un Afghan à Téhéran (2005), s’intéressait déjà à la minorité afghane mais en Iran, est revenu à plusieurs reprises dans ses trois derniers films sur l’actualité de l’Afghanistan tout en tournant aux États-Unis. Son souhait à travers ce nouvel opus était de montrer un visage différent d’une jeune femme originaire du Moyen-Orient. Comment ne pas penser, dans ces conditions, au mouvement « Femme, vie, liberté » qui a éclaté en Iran en 2022 ?
Composé de plans magnifiquement cadrés, dans un noir et blanc somptueux, rappelant à la fois le cinéma indépendant américain des années 1970 et 1980 et les grands films muets, Fremont montre la capacité de son héroïne à surmonter l’exil pour se réinventer dans une Amérique en panne de rêve. Alliant mélancolie et optimiste, le film nous révèle le chemin d’un bonheur simple.