Ce mercredi 8 mai sort en salle Mon pire ennemi (2023) de Mehran Tamadon, premier volet d’un diptyque sur la torture en Iran dont la deuxième partie, Là où Dieu n’est pas, sortira le 15 mai.
Interdit de retourner en Iran après la réalisation d’Iranien (2014), son film précédent où il s’entretenait avec trois mollahs et un apprenti religieux, Mehran Tamadon décide d’interroger des réfugiés politiques ayant quitté la République islamique après avoir été arrêtés et torturés. Imaginant sa propre arrestation, le cinéaste souhaite, à travers ces deux films, faire prendre conscience aux bourreaux de la nature et des conséquences de leurs actes.
Comme une annonce du deuxième volet, qui repose d’avantage sur le témoignage, Mon pire ennemi commence par une série de discussions avec cinq anciens prisonniers dont certains acceptent de jouer, avec plus ou moins de conviction, le rôle de tortionnaire. Cette partie apparaît comme une entrée en matière préparant ce qui va représenter le centre du film : la mise en scène sans complaisance d’un interrogatoire du réalisateur par la comédienne Zar Amir Ebrahimi.
Par ce basculement, le film quitte la réflexion théorique pour entrer de plein pied dans la réalité. Le rapport de force entre le metteur en scène et les témoins, qui prévalait jusqu’ici, se renverse et le simulacre ne semble plus avoir de frontières quand nous quittons la maison pour la rue et le cimetière. Quel est le rapport entre un tortionnaire et sa victime ? Sommes-nous encore dans un jeu ou dans la réalité ? À ces questions, le film répond de manière directe et mène le procès du cinéaste interrogé sur ses films mais aussi sur le pouvoir que lui confère habituellement son statut.
Si la prise de conscience par les bourreaux de leurs actes, à travers le cinéma, semble difficile à admettre, la nécessité d’exposer une réalité aux yeux de tous est plus que jamais nécessaire. En ce sens, Mon pire ennemi et Là où Dieu n’est pas apparaissent comme l’envers des deux films précédent : l’utopie ne consiste plus ici à imaginer un dialogue entre adversaires mais à mettre en lumière une réalité que l’on préfère ignorer ou qui est jugée impossible à représenter. C’est par ce biais que se conçoit aussi un changement.