Nous avons appris le décès à Paris à l’âge de 76 ans d’Abbas Kiarostami, palme d’or au festival de Cannes 1997 avec Le Goût de la cerise. Scénariste et inspirateur de nombreux films au sein du Kanoun dont il fonda le département cinématographique en 1969, il ouvrit la voie à la reconnaissance internationale du cinéma iranien en devenant le premier artiste de renommée mondiale qu’ait connu l’Iran.
Découvert à l’étranger en 1989 avec Où est la maison de mon ami ?, Abbas Kiarostami s’impose définitivement en 1991 avec Close up qui devient le manifeste du cinéma iranien des années 90. Le film qui s’inspire d’un fait divers relate un épisode de la vie d’Hossein Sabzian, un cinéphile sans emploi qui s’était fait passer pour le cinéaste Mohsen Makhmalbaf auprès d’une famille de Téhéran. L’oeuvre propose une mise en abyme du cinéma à travers un jeu de miroir entre la fiction et la réalité définissant la place du cinéma dans la société par rapport à d’autres pouvoirs comme la justice ou la presse.
En 1992, Kiarostami reçoit le prix Rossellini à Cannes pour Et la vie continue, un voyage initiatique en voiture d’un père et de son fils à la recherche des protagonistes d’Où est la maison de mon ami ? Entrepris après le tremblement de terre qui ravagea la région de Koker en 1990, le film fait apparaître une des philosophies du cinéaste : le dépassement du deuil à travers une communion avec la nature. C’est dans ce même décor qu’il signe Au travers des oliviers en 1994. Avec ce film, il quitte la structure du Kanoun pour travailler avec des producteurs français, Ciby 2000 puis MK2. En 1997, Kiarostami remporte la palme d’or avec Le Goût de la cerise, une récompense qu’il est le seul cinéaste iranien à avoir remportée à ce jour.
Le Vent nous emportera (1999) qu’il tourne au Kurdistan iranien apparaît comme une reprise de ses grands thèmes des années 90. Avec Ten (2002) il signe un film interprété majoritairement par des femmes s’inscrivant dans une tendance importante du cinéma iranien de cette époque : les films consacrés à la condition féminine. Five (2003) ouvre une ère nouvelle dans sa carrière. En effet, pendant plusieurs années, le cinéaste va se consacrer à l’art contemporain à travers des expositions qui nourriront son œuvre à venir. Parmi les travaux de cette période citons Roads of Kiarostami (2006), un film de photographies.
Son retour au cinéma se fera avec Shirin (2008), où il fait appel à 108 actrices professionnelles pour filmer à travers leur visage l’histoire de Shirin et Khosrow, chantée par Nezami Ganjavi. Le cinéaste réinvente la salle de cinéma comme dispositif artistique. Ce sera le dernier film qu’il tournera en Iran.
En effet, ses deux films suivants seront réalisés en Italie pour Copie conforme (2010) avec Juliette Binoche et au Japon pour Like someone in love (2012). Kiarostami travaillait à un projet de film en Chine, Walking with the wind.
L’influence du réalisateur est sans commune mesure en Iran comme à l’étranger. C’est à ses côtés que débutèrent Jafar Panahi, Bahman Ghobadi, Mania Akbari. Il fut salué par Akira Kurosawa comme par Quentin Tarantino, Michael Haneke, Martin Scorsese ou Jean-Luc Godard qui citait le titre Et la vie continue à la fin des Histoire(s) du cinéma (1988-1998), en faisant déborder les lettres du cadre.
Depuis l’annonce de sa mort, certains cinéastes iraniens ont changé leur photo de profil sur Facebook par un écran noir. Nous aimerions dire, comme il le faisait, que la vie continue mais avec sa disparition c’est une profonde tristesse qui s’est emparée des cinéphiles du monde entier.