Avec Fifi hurle de joie, Mithra Farahani signe un portrait émouvant et drôle d’un peintre iconoclaste dont elle recueille les dernières paroles.
Bahman Mohassess fut un artiste renommé à la fois peintre et sculpteur, auteur de nombreux décors de théâtre dans les années 60 et 70 où il avait acquis la sympathie de l’épouse du Shah, Farah Diba. Ayant vécu un premier exil dans les années 50 après le coup d’Etat de la CIA contre le Dr. Mossadegh, il quitte définitivement l’Iran après la révolution de 79.En allant à sa rencontre à Rome, la réalisatrice Mitra Farahani sort de l’oubli ce personnage viscontien, véritable aristocrate de la pensée, qui multiplie les piques assassines tout au long du film avec une joie communicative. De la censure subie ou qu’il s’est imposé, Mohassess a gardé un geste, comme un gimmick, celui d’une paire de ciseaux qui se referme brutalement accompagné d’un bruit sec de la bouche destiné à signifier que telle ou telle œuvre est désormais « décédée ». Tout au long du film, on rit et on se désole de la disparition de ces toiles.
Cette destruction est-elle due à un désespoir personnel, ou liée au climat général régnant en Iran avant et après la révolution ? Les deux, certainement, – l’un n’allant pas sans l’autre.
Il est émouvant de voir se tisser des liens sincères entre l’artiste et la cinéaste. Mitra Farahani était enfant au moment de la révolution, comme les deux marchands de Dubaï qui rencontrent l’artiste et sont dépassés par sa personnalité. En recueillant ses propos et en gagnant sa confiance, la cinéaste devient la dépositaire de l’artiste solitaire.
Comme le titre de la peinture qui donne son nom au film, Fifi hurle de joie mêle le bonheur et la tristesse mais c’est la joie qui demeure, celle d’un film étonnant et indispensable pour comprendre l’Histoire de l’Iran et de ses artistes au XXème siècle.
Bamchade Pourvali
