Ce mercredi 9 novembre sort en salle Le Client d’Asghar Farhadi, nouveau drame psychologique du réalisateur d’Une Séparation, récompensé au dernier festival de Cannes par le prix de la meilleure interprétation masculine remis à Shahab Hosseini et du meilleur scénario revenant au cinéaste.
Septième long métrage de son auteur, tourné entre deux projets européens : Le Passé en France et son prochain film qu’il doit réaliser en Espagne avec Penélope Cruz et Javier Bardem, Le Client marque les retrouvailles d’Asghar Farhadi avec Taraneh Alidousti, interprète de trois de ses premiers films, et Shahab Hosseini, présent dans ses trois derniers longs métrages réalisés en Iran.
Si l’on retrouve dans ce nouvel opus les thèmes habituels du cinéaste : un couple en crise, la rencontre entre des milieux sociaux différents et le conflit qui en résulte, un élément nouveau apparaît, celui du théâtre à travers la répétition de La Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller. Loin d’être anecdotique, la pièce éclaire une des sources d’inspiration de Farhadi pour ce film comme pour ses oeuvres précédentes : le théâtre social et son influence sur le cinéma américain des années 50. En effet, de même que celui-ci, grâce notamment à des scénaristes comme Arthur Miller ou Tennessee Williams et à des réalisateurs comme Elia Kazan, a pu aborder des questions taboues dans la société américaine, Farhadi cherche à travers ses films à traiter des transformations de la société iranienne, de ses non-dits et de ses blocages.
Couple sans enfant, Emad et Rana doivent déménager suite aux travaux qui ont lieu dans leur immeuble. Un nouvel appartement leur est alloué par un ami comédien. Ils ignorent qui était l’ancienne locataire des lieux dont les affaires sont entassées dans une des pièces de l’appartement. Un soir Rana est victime d’une agression.
Si Farhadi joue des rebondissements de l’intrigue, son propos dépasse le simple exercice de style. En effet, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la pièce d’Arthur Miller ne renvoie pas au couple principal mais à celui de l’agresseur, un « commis » âgé et père de famille, loin de l’image que s’en faisait Emad. C’est cette relation de la scène à la ville, et la compréhension de l’autre, qu’interroge le cinéaste de façon troublante. Il révèle, en cela, la nature complexe des personnages derrière les masques. De ce film parfois dur, on retiendra une scène magnifique où Emad et Rana, qui doivent garder l’enfant d’une des comédiennes de la troupe, deviennent le temps d’une soirée une famille idéale autour de la table jusqu’à que la réalité se rappelle à eux. S’il ne s’agit pas de l’oeuvre la plus aboutie de Farhadi, Le Client n’est pas pour autant un film secondaire. Il témoigne de la volonté du cinéaste de continuer à observer la société iranienne avec la même acuité laissant le spectateur libre d’imaginer l’avenir de ses personnages.