Sorti en 2015, réalisé par une irano-américaine, A Girl Walks Home Alone at Night navigue entre les genres comme entre les références. Film d’horreur parodique, fable symbolique, à la fois ironique et virtuose, il suit les déambulations nocturnes d’une jeune femme inquiétante, revêtue d’un tchador noir mais portant un T-shirt rayé et roulant en skate-board.
Cette association unique est à l’image de sa réalisatrice, Ana Lily Amirpour, née en Angleterre de parents iraniens mais ayant grandi aux États-Unis. Comme d’autres cinéastes de la diaspora iranienne, elle est nourrie de culture persane tout en s’ouvrant à des sources multiples. Elle se montre ainsi libre de jouer avec l’esprit du cinéma américain indépendant (le film a été coproduit par Elijah Wood et sélectionné au festival de Sundance) ou de série B, brouillant les repères pour mieux plonger le spectateur dans un univers à la fois familier et inédit, celui de Bad City (Shahr-e bad). Si les dialogues sont en persan, la bande son emprunte aussi bien à la pop rock iranienne (Kiosk, Farah, Radio Tehran) qu’anglo-saxonne (Federale, Bei Ru).
À la fois uchronique et dystopique, A Girl Walks Home Alone At Night fait naître une somme de questions : sommes-nous en Iran ou aux États-Unis ? Avant ou après la Révolution de 1979 ? S’agit-il de la jeunesse iranienne d’hier ou de celle d’aujourd’hui dont les références sont à nouveau très américaines ? À moins qu’il ne s’agisse de la jeunesse ou d’une certaine jeunesse irano-américaine ? Ces remarques sont sans doute vaines car le propos du film est ailleurs : dans son regard implacable sur les relations hommes-femmes. L’œuvre porte en effet une dimension de manifeste. Ce personnage de femme-vampire qui se retourne contre la gente masculine ne symbolise-t-il pas les frustrations subies par les femmes iraniennes ? Le tchador, vêtement traditionnel, devient alors une cape de vampire annonçant une vengeance à venir avant de rencontrer sur son chemin une résistance inattendue en la personne d’Arash, jeune homme rêveur qui doit s’occuper de son père toxicomane.
En effet, fidèle à la tradition du film de vampire, A Girl Walks Home Alone At Night est avant tout une histoire d’amour. Le film revisite avec délice, malice et mordant, les différents thèmes associés au genre : l’humour, l’effroi, la séduction, et emprunte autant au film de vampire qu’au western urbain. Son noir et blanc magnifique et maléfique évoque aussi bien le cinéma de Jim Jarmush, Francis Ford Coppola, Abel Ferrara, sur le versant américain, que celui de Dariush Mehrjui, Massoud Kimiaï ou Bahram Beyzaï, du côté iranien.
Jouant avec les codes américains et iraniens, Ana Lily Amirpour, invente rien de moins qu’une sorte de gothique persan !
La séance, organisée par l’association Pers-ENS, dans le cadre du ciné-club de Normale Sup, aura lieu à 20h30 dans la salle Dussane et sera présentée par Bamchade Pourvali, en partenariat avec Iran ciné panorama.
Ecole Normale Supérieure
Salle Dussane
45 rue d’Ulm
75005
Entrée libre