Ce mercredi 13 juillet sort en salle Les Nuits de Mashhad, troisième long métrage d’Ali Abbasi, après Border (2018) et Shelley (2016). Il s’agit de la première réalisation en langue persane du cinéaste qui vit en Europe depuis 2002 et dont les deux précédents films avaient été tournés au Danemark et en Suède. Présenté en compétition officielle au dernier festival de Cannes, Les Nuits de Mashhad a remporté le prix d’interprétation féminine reçu par Zar Amir Ebrahimi.
Inspiré d’un fait divers réel, celui du tueur en série Saeed Hanaï, responsable du meurtre de 16 prostituées entre 2000 et 2001 dans la ville sainte de Mashhad située au Nord-Est de l’Iran, le long métrage nous entraîne dans les faubourgs de la ville où prospèrent la prostitution et le trafic de drogue. Le tournage initialement prévu en Iran s’est déroulé en Jordanie.
Si le tableau décrit par Ali Abbasi est particulièrement sombre, les personnages mis en scène montrent des attitudes différentes face à la situation qu’ils vivent. De la volonté de s’en sortir à la résignation, nous suivons les différents destins qui traversent le film. Venue de Téhéran pour enquêter sur les féminicides perpétrés depuis un an, la journaliste Arezou Rahimi est décidée à faire la lumière sur une affaire qui ne semble pas être la priorité des autorités.
Fidèle aux faits, tout en croisant plusieurs événements, Les Nuits de Mashhad accorde une place importante au son et à l’image ainsi qu’aux personnages féminins comme dans les films précédents du cinéaste. En quittant le domaine du fantastique pour celui du film noir, Ali Abbasi n’abandonne pas pour autant ses interrogations sur la monstruosité et la normalité en montrant un père de famille commettant ses meurtres dans le salon de sa maison en l’absence de sa femme et de ses enfants. Les Nuits de Mashhad est indéniablement un film dur mais certainement pas une oeuvre sans réflexion sur la violence. Comme l’avait souligné l’actrice recevant son prix à Cannes : « Ce film est rempli de haine, de mains, de seins, tout ce qu’on ne peut montrer en Iran ».
Cette manière d’attirer ses victimes dans sa toile valut au tueur le surnom de « l’Araignée ». Le titre anglais du film, Holy Spider, y fait d’ailleurs référence. Au moment du procès, le journaliste Maziar Bahari réalisa le documentaire And Along Came a Spider (2002) dans lequel on pouvait voir un entretien entre Saeed Hanaï et la reporter Roya Karimi Majd qui inspira le personnage d’Arezou Rahimi. En 2017, le dessinateur Mana Neyestani publia aux éditions « Çà et Là » L’Araignée de Mashhad qui s’appuie sur le documentaire de 2002. En 2020, une fiction sur le même sujet a été tournée en Iran par Ebrahim Irajzad sous le titre Killer Spider. Le film d’Ali Abbasi introduit un regard plus contemporain sur cette histoire qui date aujourd’hui de vingt ans en la faisant résonner avec le présent de la situation des femmes en Iran avec notamment le mouvement #Metoo apparu dans le pays en 2020. Cette dimension contemporaine est due en grande partie à l’actrice Zar Amir Ebrahimi qui fut également directrice de casting sur le film. Son exigence de vérité en fait un personnage encore plus proche de la quête des Iraniennes d’aujourd’hui.
Si en face du tueur, elle dira s’appeler Zahra, véritable prénom de l’actrice dont Zar est un diminutif, son prénom dans la fiction est Arezou qui signifie « Espoir » en persan.