1973, Shiraz
Réalisateur, scénariste, producteur
Mohammad Rasoulof est diplômé de l’Université de Shiraz en sociologie. Il étudie ensuite le montage à l’Université Soureh de Téhéran (Beaux-arts), et débute comme réalisateur avec une série de courts métrages : Vendredi (1991), Le Clou (1993), Les Sept rêves (1994), Dix secondes de plus (1994), La Maison de verre (1997), La Fête du soir (1999). En 1998, il est l’assistant de Rasoul Sadr Ameli sur La Fille aux baskets. Il signe son premier long métrage en 2002 avec Le Crépuscule qui est projeté dans plusieurs festivals, dont Locarno, Karlovy Vary et Montréal. C’est avec son deuxième long métrage, La Vie sur l’eau (2005) qu’il s’affirme sur le plan international. Située dans le Golfe Persique, cette fable raconte la vie d’une petite communauté de familles venues s’installer sur un vieux cargo pétrolier abandonné au large des côtes iraniennes et dont le quotidien est régi par un capitaine aux méthodes autoritaires. Le film est sélectionné pour « la Quinzaine des Réalisateurs » à Cannes en 2005, et obtient le Prix spécial du jury au Festival de Gijón.
Mohammad Rasoulof revient au documentaire en 2008 avec La Parabole, un moyen métrage sur l’ingéniosité des Iraniens pour capter les chaînes étrangères. Le film est une critique sur la gestion des médias par le pouvoir politique. Dans The White Meadows (2009), projeté en compétition officielle au Festival International de San Sebastián, le cinéaste raconte l’histoire de Rahmat, chargé de recueillir les larmes des habitants de plusieurs îles voisines sur le lac Ourmieh en Azarbaïdjan iranien. Le film prend à nouveau les habits du conte pour évoquer par des chemins détournés la situation de l’Iran. Les larmes versés sont uniquement celles de peines, jamais celles de joies. Seuls l’artiste et l’amoureux se révoltent contre cette situation.
En mars 2010, Mohammad Rasoulof est arrêté en même temps que Jafar Panahi. Les deux réalisateurs sont soupçonnés de préparer un film hostile à Mahmoud Ahmadinejad dont la réélection contestée en juin 2009 est à l’origine de manifestations qui agitent le pays depuis plusieurs mois. Après avoir été placés en prison, les deux réalisateurs sont libérés sous caution. En décembre 2010, Mohammad Rasoulof est condamné avec Jafar Panahi à une peine de six ans de prison, suivie de 20 ans d’interdiction de faire des films, de donner des interviews ou de quitter l’Iran. Durant le temps de l’appel, les deux réalisateurs réalisent chacun un film : Ceci n’est pas un film de Panahi avec Mojtaba Mirtahmasb et Au revoir de Rasoulof qui dépeint le quotidien d’une jeune avocate de Téhéran joué par Leyla Zareh en quête d’un visa lui permettant de quitter le pays. Le cinéaste remporte le prix de la mise en scène à Cannes dans la sélection « Un Certain Regard ».
En 2013, Les Manuscrits ne brûlent pas, est à nouveau projeté au Festival de Cannes dans la section « Un Certain Regard », où il remporte le prix de la Fédération internationale de la presse cinématographique (Prix Fipresci). Le film aborde un épisode réel de l’histoire iranienne des années 1990, celui des crimes politiques contre les d’intellectuels iraniens en exil. Il a été tourné en Iran pour les plans d’extérieur et en Allemagne pour les scènes d’intérieur. Dans la veine de Melville, ce polar froid est, hélas, toujours inédit en France.
En mai 2017, Mohammad Rasoulof concourt à nouveau à Cannes dans la sélection « Un Certain Regard » avec Un homme intègre (Lerd, 2017) qui remporte le grand prix de cette nouvelle édition. Le 29 février 2020, il remporte l’Ours d’or à Berlin pour Le Diable n’existe pas. Composé de quatre récits, le long métrage aborde la question de la peine de mort et du prix de la liberté. Il a été tourné en demandant des autorisations pour quatre moyens métrages au nom des assistants du cinéaste. Par sa forme, Le Diable n’existe pas peut être comparé à quelques très grands classiques de l’Histoire du cinéma : Intolérance (1915) de D. W. Griffith, Pages arrachées au livre de Satan (1920) de C.T. Dreyer, Paisa (1946) de Roberto Rossellini, Le Décalogue (1988) de Krzysztof Kieślowski. Le film remportera également le Prix Jean Renoir des lycéens en juin 2022.
Après le décès en détention du poète et cinéaste Baktash Abtin, le 8 janvier 2022, victime du Covid-19 sans avoir obtenu les soins nécessaires de l’administration pénitentiaire, Rasoulof lui consacre un documentaire sous forme d’enquête : Intentional Crime. Les manifestations qui suivent l’effondrement de la Tour Métropole à Abadan, le lundi 23 mai, conduisent le cinéaste, en compagnie de son confrère Mostafa Alehamad, à signer un appel demandant aux forces de l’ordre de ne pas utiliser leurs armes contre la population. Les deux réalisateurs sont arrêtés le vendredi 8 juillet. Venu se renseigner sur leur situation au parquet de Téhéran, Jafar Panahi est incarcéré et condamné à purger la peine de 6 ans de prison prononcée contre lui en décembre 2010. Les trois cinéastes seront libérés sous caution en février 2023.
L’essentiel du soulèvement « Femme, vie, liberté » a été vécu par Rasoulof dans la prison d’Evin. Après sa sortie, il réalise une nouvelle fiction de manière clandestine : Les Graines du figuier sauvage, sélectionné à Cannes le 22 avril. Le 8 mai, le cinéaste est condamné à une peine de 8 ans de prison dont 5 ans fermes. Il quitte l’Iran secrètement pour rejoindre sa fille en Allemagne et être présent à Cannes le vendredi 24 mai avec la projection de son film qui suscite la plus longue standing ovation du festival avant de recevoir le Prix de la Presse internationale, le Prix Oecuménique, le Prix des Cinémas Art et Essai ; enfin, le Prix Spécial du Jury.
FILMOGRAPHIE :
Long métrages :
Les Graines du figuier sauvage, 2024.
Intentional crime, 2022.
Le diable n’existe pas, 2020.
Un Homme intègre, 2017.
Les Manuscrits ne brûlent pas, 2013.
Au Revoir, 2011.
The White Meadows, 2009.
La Parabole, 2008.
La Vie sur l’eau, 2005.
Le Crépuscule, 2002.
Courts métrages :
La Fête du soir, 1999.
La Maison de verre, 1997.
Dix secondes de plus, 1995.
Les Sept rêves, 1994.
Le Clou, 1993.
Vendredi, 1991.