Le samedi 25 mai au terme de la 77ème édition du Festival de Cannes, Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof a remporté le Prix de la Critique Internationale, le Prix Oecuménique, le Prix des Cinémas Art et Essai avant de recevoir le Prix Spécial du Jury.
Réalisé sans autorisation, le long métrage suit la révolution en cours en Iran et intègre à son propos de nombreuses vidéos des manifestations de 2022-2023. Les conditions particulières de tournage et de finalisation du film, après la fuite du cinéaste condamné le 8 mai à une peine de 8 ans de prison dont 5 ans fermes, montrent la détermination des artistes iraniens à montrer la situation du pays. Cannes a ainsi reçu en présélection 70 autres films iraniens tournés sans autorisation et ne respectant plus le code de la censure concernant notamment le port obligatoire du voile. À plusieurs reprises, Mohammad Rasoulof a fait référence à ses acteurs et à ses techniciens qui n’ont pas pu quitter l’Iran et qui sont depuis soumis à la pression du pouvoir. Sa présence à Cannes avec ses coproducteurs et trois de ses actrices relevait de l’impensable : le metteur en scène n’avait plus foulé le sol d’un festival international depuis 7 ans. On retiendra son discours à la remise du Prix Spécial du Jury :
Je suis évidemment très heureux que le film soit fini, qu’il soit présenté ici, qu’il soit reconnu ce soir par ce prix ; mais je suis aussi très triste, profondément chagriné par la catastrophe que vit mon peuple au quotidien. Chaque jour, chaque matin, à chaque instant, le peuple iranien vit sous un régime totalitaire qui l’a pris en otage. Donc, en effet, la situation est grave dans bien des endroits du monde, les gens souffrent dans bien des endroits du monde, mais je peux simplement vous dire que mon peuple, le peuple iranien, est pris en otage par ce régime de la République islamique.
Donc, je tiens ici encore à saluer et à remercier toutes les personnes qui ont rendu ce film possible. À toutes ces jeunes femmes dont le courage, l’audace sans borne, a été l’inspiration de ce film, ces actrices qui sont ici présentes, tous les membres de cette équipe qui ont pu venir et ceux qui encore une fois n’ont pas pu venir, mais aussi mes coproducteurs, mes distributeurs, tous qui, main dans la main, ont rendu possible le miracle de ce film. Merci infiniment au festival de nous avoir invités. Merci à vous jury de nous avoir distingué.
Je veux simplement ajouter un mot pour parler des artistes, des universitaires, des cinéastes, des journalistes qui sont aujourd’hui dans les geôles iraniennes, et je veux plus spécifiquement parler de Toomaj Salehi qui est condamné à mort aujourd’hui, uniquement en raison de sa création artistique. Ne permettez pas que la République islamique traite ainsi les artistes iraniens.
Vivant désormais en exil, Rasoulof dit avoir quitté « l’Iran géographique » mais continuer à vivre dans « l’Iran culturel ». Dans un entretien à Libération, il précise :
Je suis parti pour raconter toutes les histoires que je porte encore, tous ces récits qui m’habitent et j’ai l’espoir que la situation change en Iran. Cet espoir est peut-être puéril mais ce n’est pas grave, car je peux vivre comme tous ces exilés iraniens partis depuis longtemps, et qui ne peuvent imaginer d’y revenir qu’à la condition qu’il soit enfin possible d’y vivre dignement.