Ce mercredi 18 septembre sort en salle Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof. Présenté au dernier festival de Cannes, le film remporta le Prix spécial du jury, le Prix de la critique internationale, le Prix des Cinémas Art et Essai et le prix François Chalais.
Tourné clandestinement comme la plupart des films du réalisateur depuis Les Manuscrits ne brûlent pas (2013), Les Graines du figuier sauvage s’inscrit dans un contexte particulier marqué par la libération du cinéaste, emprisonné de juillet 2022 à février 2023, et la révolution en cours « Femme, vie, liberté » qui éclata le 16 septembre 2022 après la mort de Mahsa Jina Amini en détention pour « port incorrect du voile« .
À travers une cellule familiale dont le père, Iman, vient d’être nommé enquêteur au tribunal révolutionnaire de Téhéran en attendant d’être promu juge, le cinéaste met en scène un conflit de générations qui s’exprime par son titre à la fois métaphorique et concret, comme le rappelle le cinéaste en évoquant la manière de se reproduire du figuier sauvage dont les graines transportées par des déjections d’oiseaux germent au pied de l’arbre dont elles sont issues avant de se développer et de prendre sa place. Tout au long du film, Rasoulof dissémine des motifs comme autant de graines : les munitions de l’arme de service que reçoit le père, les billes de chevrotines qui impactent le visage de la jeune Sadaf, les chapelets de prière manipulés ou suspendus, la bague d’agate que portent les dignitaires du régime. Aux scènes d’intérieur répondent les images vidéo de la contestation dont les échos parviennent jusqu’aux fenêtres de l’appartement familiale. D’abord proche de son mari dont elle partage les croyances politiques et religieuses, Najmeh va évoluer et se rapprocher de ses deux filles, Rezvan et Sana.
Pour traduire la folie d’Iman, le cinéaste utilise une caméra mobile qui rode autour du père comme une menace saisissant son inquiétude quand son arme de service a disparu. Apprenant que son adresse a été divulguée sur les réseaux sociaux, il porte un masque et regarde fiévreusement autour de lui. La dernière partie du film le montre passer du statut d’enquêteur à celui d’interrogateur puis de geôlier contre sa propre famille.
Mêlant la chronique familiale, le documentaire historique, le pamphlet politique et le cinéma de genre, Les Graines du figuier sauvage s’impose comme une oeuvre majeure montrant la capacité du cinéma iranien d’analyser au présent les transformations d’une société. Après l’annonce de sa sélection au festival de Cannes, le cinéaste a été condamné à une peine de huit ans de prison, l’obligeant à quitter le pays. Le film est l’une des 71 réalisations tournées sans autorisation reçues par le festival de Cannes cette année, transgressant notamment le tabou du port du voile à l’écran.