Réalisateurs — 24 novembre 2024 at 17 h 32 min

Sohrab Shahid Saless

1944, Téhéran
1998, Chicago

Réalisateur, scénariste

« L’Iranien aux dix films allemands » ainsi que l’avait surnommé Serge Daney dans sa critique du film Utopia (1983), découvert au festival de Berlin, sous la plume du critique français, Shorab Shahid-Saless devenait : S.S.S. comme un écho à P.P.P. qui avait désigné Pier Paolo Pasolini. Daney notait : « Il arrive à S.S.S. une chose un peu triste : ses films, d’une implacable qualité n’ont d’existence que festivalière. » (Libération, 22 février 1983). L’influence du réalisateur n’en est pas moins grande sur le cinéma iranien et plus précisément sur l’oeuvre d’Abbas Kiarostami qui l’a connu et à travaillé à ses côtés en concevant l’affiche de son court métrage Noir et Blanc (1972) dans le cadre du Kanoun.

Sohrab Shahid Saless est né à Téhéran, le 28 juin 1944. À l’âge de 18 ans, il part pour Paris avant de rejoindre Vienne. De 1963 à 1967, il y étudie la mise en scène et la dramaturgie, puis fréquente l’école de conception cinématographique et télévisuelle. Il poursuit ses études au Conservatoire Indépendant du Cinéma Français de Paris pendant un an avant de regagner l’Iran, où, entre 1969 et 1973, il commence sa carrière de cinéaste en tournant vingt-deux courts métrages, essentiellement pour le Ministère de la Culture iranien, s’intéressant notamment aux rituels des derviches, aux réformes politiques et sociales de la « Révolution blanche » lancée par le Shah en 1963 et au progrès technologique.

Lorsqu’il reçoit de l’argent pour un nouveau documentaire en 1973, le cinéaste de 29 ans décide d’investir cette somme dans la réalisation d’un premier long métrage : Un simple événement. Au même titre que La Vache ou Gheisar, le film marque un tournant dans le cinéma iranien. Le titre doit être pris au pied de la lettre : il montre la vie quotidienne monotone d’un garçon de dix ans qui vit dans la pauvreté avec sa famille dans une ville isolée au bord de la mer Caspienne. Le garçon va à l’école. Sa mère souffre de tuberculose. Le père fait vivre la famille grâce à la pêche illégale. Un jour la mère reste alitée. Le jeune garçon à la demande de son père va chercher le médecin du village. L’année suivante, en 1974, Saless réalise Nature morte où avec la même précision, il s’intéresse aux derniers jours du métier de garde-barrière exercé par un vieil homme qui vit seul avec sa femme dans une modeste bicoque et à qui on vient annoncer son départ forcé à la retraite.

En juin 1974, le cinéaste présente ses deux films dans deux sections différentes de la Berlinale. Un simple événement figure ainsi au Forum international du jeune cinéma et Nature morte est en compétition officielle et remporte l’Ours d’argent. Le réalisateur décide de retourner en Iran pour projet de film dans un orphelinat. Mais le tournage est interrompu au bout de deux jours en raison de la pression du gouvernement du Shah. Saless se rend compte qu’il ne peut plus travailler dans son pays et décide de quitter l’Iran pour se rendre en Allemagne de l’Ouest où il réalisera treize films de Loin du pays (1975) à Une rose pour l’Afrique (1989) devenant une figure du nouveau cinéma allemand après avoir participé à la naissance du Cinéma différent iranien. En 1984, il remporte l’Âge d’or de la Cinémathèque royale de Bruxelles pour Utopia. Résidant aux États-Unis à partir de 1995, il décède d’une hémorragie interne le 2 juillet 1998 à Chicago.

Deux hommages lui ont été rendu par la Cinémathèque française en 1979 et 1983 mais aussi au Cinéma du Réel en 1999 et plus récemment à Berlin en 2016 et à Munich, Bruxelles et pour la première fois à Téhéran en 2017. En 2023, le journaliste, universitaire et écrivain d’origine iranienne Behrang Samsami résidant en Allemagne, lui consacre un travail de référence en trois volumes et 1 500 pages sous le titre Die langen Ferien des Sohrab Shahid Saless (Les longues vacances de Shorab Shahid Saless) aux éditions Exil Verlag.

Courts métrages :

Vingt courts métrages pour le ministère de la culture iranien de 1969 à 1973

Noir et blanc, 1972

Longs métrages :

Un Simple événement, 1973
Nature morte, 1974
En exil, 1975
Tabebuch eines Liebenden, 1976
Reifezeit, 1976
Die langen Ferien der Lotte H. Eisner, 1979
Ordnung, 1980
Anton P. Cechov – Ein Leben, 1981
Empfänger Unbekannt, 1983
Utopia, 1983
Weidenbaum, 1984
Hans- Ein Junge in Deutschland, 1985
Wechselbag, 1987
Rosen für Afrika, 1992